3 astuces pour optimiser vos progrès vocaux

 
Maintenant que la nouvelle année a bien commencé (meilleurs voeux, plein de santé, de réussite et de jolis moments artistiques !) - je me suis dit que ça pouvait être intéressant de vous donner quelques tuyaux pour optimiser vos séances de travail et faire en sorte que vous en tiriez le maximum à chaque fois que vous vous entraînez. 
 
Voici donc mes trois astuces pour vous aider à optimiser le travail de votre voix et faire en sorte que vous progrès en 2017 soient à la hauteur de vos espérances. 
 
1. Filmez vos séances de travail
Oui - je sais, vous detestez vous entendre, et encore moins vous voir à l'écran - tout le monde pareil mon petit flocon de neige unique et précieux, tout le monde pareil. Il y a même une explication très simple et rationnelle à ça (1) mais on perd vachement de temps à s'éterniser et à théoriser sur pourquoi on n'arrive pas à faire telle ou telle chose - ça ne change rien à la solution. Il n'y a qu'une façon d'apprendre à supporter le son de sa propre voix enregistrée - il faut le faire - et beaucoup. 
 
Un enregistrement vidéo vous permet de jouer le rôle du professeur et du chanteur puisqu'il vous permet de vous regarder comme le ferait un coach - de l'extérieur. Vous verrez certainement des trucs de tension corporelle dont vous ignoriez l'existence et vous pourrez vous écouter avec du recul (enfin, le recul viendra avec l'entrainement, hein… pour les premières fois, prévoyez un litre de glace au chocolat, une bouteille de vin et pas mal de mouchoirs pour pouvoir tranquillement sangloter votre race en hurlant 'je ne suis pas fait pour ce métier!!!!' Ou encore 'pourquoi??? Mais pourquoi!!!!!!' - pensez à prévenir les voisins pour éviter qu'ils n'appellent les flics.)
 
Si un enregistrement vidéo est impossible (j'ai bien dit 'si c'est impossible' et non pas 'si vous avez la flemme de le faire' ou 'si vous ne supportez pas votre nouvelle coupe alors que vous avez menti au coiffeur en lui disant que vous a-do-riez il y a même pas une heure de ça'...) un enregistrement audio est mieux que rien.
 
 
2. Travailler par nombre de répétitions parfaites plutôt que par nombre de minutes
Trop souvent on comptabilise nos séances de travail par rapport au nombre de minutes qu'on y passe - on le fait aussi avec les cours - 'ah moi je préfère les cours d'1h minimum', mais le temps n'a pas du tout autant d'importance que le nombre de répétitions parfaites du nouveau geste. 
 
Pour comprendre l'importance des répétitions parfaites, il faut comprendre comment le cerveau 'apprend' de nouvelles compétences. Dans votre cerveau, vous êtes certainement au courant de l'existence de la matière grise, mais il existe aussi une matière blanche - la myéline - et les recherches démontrent des changements dans cette matière blanche en situation d'apprentissage (2)(3). 
 
Imaginez que votre cerveau est comme un tableau électrique et que les axones sont comme des fils par lesquels passent des signaux (les influx nerveux) - la myéline serait alors un peu comme la gaine en caoutchouc autour des fils. Plus le fil est gainé, plus le signal sera transmis rapidement et efficacement. Augmenter la myéline semble être quelque chose de désirable si on veut maîtriser une tâche donnée et c'est là que la répétition parfaite devient essentielle. 
 
Les axones reçoivent leur gaine de myéline de la part des cellules de Schwann (pour le système périphérique en tout cas, ce sont les oligodendrocytes qui créent la myéline pour le système central - voilà un mot pour gagner au scrabble !) Lorsqu'on répète une tâche, les cellules de Scwhann arrivent comme des petits robots et enveloppent l'axone de myéline. Plus on la répète, plus on la myélinise et, par conséquent, mieux on la maîtrise. La répétition est donc essentielle pour myéliniser une nouvelle compétence mais - et c'est très important - les cellules de Schwann ne s'intéressent pas du tout à la qualité de la répétition - elles ne s'intéressent qu'à la quantité de répétitions. Si vous faites un mauvais geste plein de fois, elles produiront tout de même de la myéline pour ce geste et vous courez le risque de le pérenniser.
 
Donc le vieil adage 'c'est en forgeant qu'on devient forgeron' est vrai, mais il ne faut pas forger n'importe quoi et n'importe comment !
 
Vous voyez, donc, que faire une heure tous les jours où on reste focalisé sur le temps de travail peut nous amener à accepter des répétitions médiocres de notre travail technique et on court le risque de pérenniser un mauvais geste. Mais, si on se dit 'je vais faire 20 répétitions parfaites de la troisième phrase' - ce qui peut très bien prendre 10 minutes comme une heure, et on ne s'arrête pas avant de les avoir faites, on restera focalisés sur la qualité du geste et on augmente dramatiquement les progrès par séance. Travaillez plus malin, pas plus longtemps. 
 
 
3. Travailler toujours juste en dehors de votre zone de confort
Si vous travaillez régulièrement votre voix mais vous avez l'impression de stagner depuis un moment, ça peut être intéressant de vous focaliser sur le niveau de difficulté de votre travail. 
 
En fait, je considère que le vrai travail vocal (pour progresser, j'entends) est constitué uniquement d'exercices qui nous tirent en dehors de notre zone de confort, or la plupart des gens passent beaucoup de temps à chanter des gammes et des chansons qu'ils maîtrisent déjà - d'où l'impression de 'beaucoup travailler sa voix' - mais en réalité ils ne la travaillent presque pas. 
 
Ceci est certainement dû à une confusion entre 'échauffement' et 'travail technique' - le premier vise simplement l'éveil de la voix et ne cherche qu'à maintenir ce qui a déjà été acquis alors que le second vise à corriger des défauts, bâtir de nouvelles compétences et faire progresser. Beaucoup de gens qui pensent travailler leur voix ne font que s'échauffer et par conséquent, ne font que maintenir leur niveau actuel. 
 
Pour progresser, il faut trouver des exercices qui vous situent juste en dehors de votre zone de confort - là où c'est inconfortable et un peu stressant de travailler, mais pas là où vous échouez à chaque fois et vous paniquez (voir l'image ci dessous). 
 
 
Restez trop à l'intérieur de la zone bleue et vous ne ferez qu'entretenir les compétences que vous avez déjà acquises. Visez la zone rouge et vous échouerez certainement - la magie opère juste en dehors de vos compétences actuelles, dans la zone jaune - là où ça vous demande de vous concentrer beaucoup pour réussir.  Travaillez dans cette zone, et vous progresserez toujours. 
 
Pour prendre un cas concret, si vous voulez chanter 'The Show Must Go On' de Queen et que votre tessiture s'arrête à une octave des notes aiguës - essayer d'avoir directement la note aiguë serait une mauvaise idée - ça vous mettrait directement dans la zone rouge. Vous risquez de faire des répétitions approximatives, voire mauvaises et au mieux, vous n'apprendrez rien (au pire, vous apprendrez un mauvais geste). 
 
Ce n'est pas non plus une bonne idée de rester dans la zone bleue, là où tout est confortable est facile (ça reviendrait à chanter la chanson en boucle, en laissant de côté les notes difficile 'pour l'instant') - sauf la sensation de sécurité que ça nous procure, rester dans la zone de confort ne sert à rien lorsqu'il s'agit de progresser et le fait de myéliniser de plus en plus les parties 'faciles' de la chanson ne ferait qu'augmenter la disparité de niveau entre les parties que vous savez chanter et celles que vous ne maîtrisez pas. 
 
Une meilleure stratégie serait donc de calculer la distance entre les notes aiguës de la chanson (la zone rouge) et votre tessiture actuelle (la zone bleue), puis travailler par demi-tons, en faisant des répétitions parfaites pour bien acquérir chaque demi-ton avant de progresser au suivant. Chaque demi-ton acquis agrandit votre zone de confort et vous rapproche de votre but. Au bout d'un moment, la note aiguë ne se trouvera plus de le rouge, mais bien dans le jaune et vous pourrez la myéliniser en toute confiance. 
 
Travaillez comme ça, en filmant vos séances et vous deviendrez des vrais ninjas du progrès vocal !
 
 
Références
1. Si vous écoutez la voix de quelqu'un d'autre, les ondes sonores (en réalité des variations de pression) qui sortent de sa bouche entrent dans votre oreille et sont transformées en signaux électriques, que le cerveau interprète par la suite. C'est le fonctionnement habituel de l'ouïe. Mais lorsque vous percevez votre propre voix, en plus des ondes sonores qui sortent de votre bouche pour atteindre votre oreille, vous avez également une vibration interne produite par le mouvement des osselets, trois os minuscules dans l'oreille moyenne qui sont mis en mouvement par la vibration initiée dans votre larynx. Vous n'entendez donc pas uniquement le signal externe, mais aussi une autre série de vibrations internes, ce qui change le son que vous percevez de votre voix - celle-ci sonnera plus 'riche' ou 'grave' à l'intérieur de votre tête qu'à l'extérieur. Néanmoins, votre vraie voix est belle et bien celle que les autres entendent, sans la participation des osselets.
 
 
2. Zatorre, R. J., Fields, R. D., & Johansen-Berg, H. (2012). Plasticity in gray and white: neuroimaging changes in brain structure during learning. Nature neuroscience, 15(4), 528-536.
 
3. Fields, R. D. (2008). White matter matters. Scientific American, 29
 


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